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Devoir d’information du radiologue;  de nouvelles exigences en jurisprudence

Cette rubrique est assurée par R. Mislawski, docteur en médecine, docteur en droit.

L’arrêt de la première chambre civile  de la Cour de cassation du  16 janvier 2013 (n° 12-14097, non publié au bulletin) apporte de nouveaux éléments  sur le devoir d’information des radiologues vis-à-vis des patients chez lesquels ils pratiquent leurs examens.


Un patient opéré d’un problème rachidien (arthrodèse+plaque) présente malgré ce traitement des douleurs persistantes. Il est adressé pour examen radiologique de contrôle en 2003 et 2004 à deux radiologues différents qui  constatent à tour de rôle  qu’il existe une rupture du matériel qui est notée dans le compte rendu adressé au médecin prenant en charge le patient.

Le patient recherche la responsabilité des deux radiologues en leur reprochant de ne pas l’avoir convenablement informé de son état, d’où un préjudice moral dont il demande réparation ; il prétend que les termes employés dans le compte rendu ne lui ont pas été compréhensibles. Il était écrit  dans le CR qu’il existait « une solution de continuité sur la tige inférieure du matériel de synthèse ».  Ce patient, simple travailleur manuel,  n’aurait  donc pas bénéficié d’une information intelligible comme l’impose le code de déontologie médicale (article 35), l’expression « solution de continuité » étant selon lui confuse voire  comprise par lui comme signifiant que le matériel était intact.

En première instance comme en appel il est débouté de sa demande. Il se pourvoit en cassation.

La question posée à la Cour de cassation était donc relative au   devoir d’information du radiologue vis-à-vis du patient qui lui est adressé ; se limite-t-il à  la rédaction objective d’ un compte rendu de l’examen qu’il a pratiqué ?

La cour d’appel a considéré :

  • d’une part,  que l’information dont le patient plaint de ne pas avoir bénéficié, ressortait des comptes rendus des deux praticiens qui mentionnaient une solution de continuité dans le matériel d’ostéosynthèse, terme qui appartient au langage courant et médical et qui signifie rupture,
  • d’autre part,  que les radiologues avaient adressé  leur CR au médecin prescripteur qui devait revoir son patient pour examiner avec lui les conséquences des constatations mises à jour par les examens radiologiques.

Elle rejette donc la demande du patient ; pour elles  les radiologues ont satisfait à leur obligation d’information.

La Cour de cassation au visa des articles L. 111-2 et R. 4127-35 du code de la santé publique énonce  un principe  en deux points :

  • «  l’information des personnes sur leur état de santé incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables et que seule l’urgence ou l’impossibilité d’informer peuvent l’en dispenser,
  •  le médecin doit à la personne qu’il examine, qu’il soigne ou qu’il conseil une information loyale claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il lui propose et que tout au long de la maladie il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension ».

S’appuyant sur le principe qu’elle vient d’énoncer, la Cour de cassation  en déduit que la cour d’appel en motivant comme elle l’a fait son arrêt , n’a pas donné de base légale à sa décision ; elle ne pouvait affirmer que les radiologues avaient satisfait à leur obligation en retenant seulement qu’ils avaient rédigé un compte rendu alors que la communication de ce dernier au médecin prescripteur ne les dispensait pas d’informer le patient des résultats de l’examen d’une manière adaptée à sa personnalité et son état. La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel et  désigne une cour de renvoie. 

Commentaire

La solution de cet arrêt dépasse bien entendu le cadre des faits qui l’ont justifié. Elle est applicable dans toutes les situations quel que soit l’examen d’imagerie médicale effectué. Elle concerne tous les professionnels de l’imagerie médicale.

Son apport

L’arrêt confirme des acquis de l’évolution récente de la jurisprudence en matière de défaut d’information et étend aux radiologues les obligations dont étaient tenus jusqu’à présent les médecins prescripteurs prenant en charge les patients.

Depuis  un arrêt du 3 juin 2010 (présenté sur le site), la Cour de cassation a admis que le préjudice résultant d’un manquement au devoir d’information ne se limitait pas à la perte de chance pour la patient d’échapper à un dommage par un choix qui aurait pu être différent si l’information avait été bien délivrée ce qui était le cas jusque là. Elle considère que la simple violation du droit à l’information est un préjudice quand bien même la délivrance de l’information n’aurait pas eu de conséquence sur le choix du patient. Il s’agit d’un préjudice moral qui doit être systématiquement indemnisé. La solution est reprise dans cet arrêt ; le dommage dont fait état le patient est de nature purement moral.

L’arrêt étend les obligations qui pesaient sur les médecins prescripteurs aux radiologues. Il ne suffit donc pas de réaliser un examen parfait du point de vue technique et de rédiger un compte rendu répondant à tous les standards exigibles puis d’adresser ce CR au médecin prescripteur pour être à l’abri de toute action en responsabilité. Une expertise avait été réalisée lors du procès en appel et avait considéré qu’aucune faute technique ne pouvait être reprochée aux radiologues ce qui avait justifié le rejet de la demande du patient. La Cour de cassation pose deux nouvelles obligations ;

  • Le radiologue comme tout médecin doit une information orale à son patient et ne doit pas s’en remettre au médecin prescripteur pour cela. La remise du CR au patient avec les documents n’est pas suffisante.
  • L’information  doit être adaptée au niveau socioculturel du patient ; les termes trop techniques ou trop « élitistes » doivent être proscrits de l’explication qui doit être mise à la portée du patient.

Sa portée

L’arrêt vaut pour toute activité d’imagerie et même probablement pour tout professionnel de santé réalisant des « examens complémentaire » (biologie médicale par exemple). Sa portée est donc grande a priori et pourrait bouleverser les pratiques.

La décision soulève de nombreux problèmes :

  • S’il faut adapter l’information aux patients, faut-il que le CR soit lui-même adapté ? La discussion dans l’affaire rapportée s’est focalisée sur ce qui était écrit dans le CR et qui a été lu par le patient qui affirme avoir été trompée par une terminologie pour lui peu claire.
  • La question de la preuve reste ouverte ; la preuve de l’information reste à la charge du professionnel. Comment prouver que l’information a été non seulement délivrée dans son contenu objectif mais qu’elle a été comprise ?
  • Un devoir d’information aussi complet est-il toujours possible et souhaitable en particulier en matière de cancer ? Est-il compatible avec le dispositif d’annonce du premier plan cancer ?

Il reste donc des questions qui ne sont pas résolus par cette décision et qui ne le seront que par de nouvelles décisions…Si la tâche des professionnels est alourdie on peut s’interroger sur l’intérêt pour les patients de se lancer dans de telles procédures dans la mesure où l’indemnisation du préjudice morale sera probablement modeste.


(Février 2013)

 

Article de R. Mislawski, docteur en médecine, docteur en droit - Mise à jour : 02/11/2013

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