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Responsabilité du gynécologue dans le suivi d’une patiente

Cette rubrique est assurée par R. Mislawski, docteur en médecine, docteur en droit.

La 1ère Chambre civile de la Cour de cassation s’est prononcée le 29 novembre 2005 sur une question importante : la responsabilité d’un gynécologue peut-elle être  engagée parce qu’il s’est  contenté de lire le compte-rendu d’une mammographie sans avoir examiné les clichés que sa patiente avait oublié de lui amener ?

 

Un gynécologue suit une patiente pour des micro-calcifications découvertes en 1992.  Un contrôle a été fait en 1994 et en 1996. Lors de cette dernière visite, la patiente omet d’apporter ses mammographies et fournit seulement le compte-rendu du radiologue. Or,  ce dernier avait fait des annotations sur les clichés signalant l’apparition dans le sein droit d’un placard nodulaire en plus des micro-calcifications. Toutefois, cet élément important ne figure pas dans le compte-rendu écrit, et le gynécologue est donc rassurant pour sa patiente qu’il se contente de reconvoquer à une échéance de deux ans. De plus,  il  renouvelle le traitement hormonal de la ménopause qu’il avait entrepris. En 1998, un cancer du sein avec métastase rachidienne est diagnostiqué chez la patiente qui assigne le gynécologue et le radiologue devant le TGI.   

L’expert conclut qu’un cancer pouvait être évoqué sur les clichés de 1996 dont l’examen  aurait du conduire à demander une biopsie. Il existe donc un retard au traitement  imputable aux  fautes des deux médecins.  Le tribunal condamne le gynécologue pour 75% et le radiologue pour 25% du montant du préjudice subi par la patiente. Les fautes retenues sont pour le gynécologue de ne pas avoir exigé la présentation des clichés et d’avoir continué le traitement hormonal qui est considéré comme une cause possible d’aggravation de la maladie ; pour le radiologue, d’avoir rédigé un rapport moins précis et moins alarmant que les annotations portées sur les clichés. Il aurait du proposer au médecin prescripteur d’autres examens susceptibles d’éclairer le diagnostic. Les deux praticiens interjettent appel de la décision de première instance.

Le radiologue voit sa responsabilité écartée au motif que les indications portées sur les clichés étaient suffisants pour alerter le gynécologue sur lequel pèse donc l’entière responsabilité du préjudice de sa patiente qui aurait pu être évité si il avait demandé à voir les radiographies. Le gynécologue forme alors un pourvoi en cassation. Le bien fondé de l’arrêt de la Cour d’appel est confirmé en ce qui concerne le gynécologue. Par contre, la Cour de cassation annule partiellement la décision  car pour elle le radiologue avait commis une faute en ne mentionnant pas dans le compte rendu écrit l’ensemble des informations fournies par la mammographie. L’affaire est donc renvoyée devant une autre Cour d’appel pour statuer sur la responsabilité du radiologue.

Cet arrêt amène un certain nombre de remarques :

1)    Sur le préjudice en rapport avec un retard de diagnostic : il s’agit seulement d’une perte de chance dans la mesure où il est difficile d’affirmer que si le diagnostic avait été plus précoce la patiente aurait été guérie. Il y avait seulement une possibilité d’amélioration du pronostic et donc indemnisation partielle. La patiente précise le montant de l’ensemble de ses préjudices réels et le magistrat calcule souverainement le pourcentage qu’il attribue à la faute du médecin.

2)    L’oubli par la patiente de ses clichés n’atténue en rien la responsabilité des praticiens.

3)    Sur la responsabilité du radiologue : son rôle ne se réduit pas à la réalisation de clichés. Il a aussi un devoir de conseil et de mise en garde à l’égard du médecin prescripteur outre son obligation de rédiger un compte rendu parfait. Les simples annotations sur les radiographies sont donc insuffisantes si leur signification n’est pas donnée dans le compte rendu de l’examen. Les informations doivent circuler entre les médecins qui prennent en charge la surveillance d’une patiente.

4)    Sur la responsabilité du gynécologue : il est condamné pour négligence. En aucun cas un médecin qui suit une patiente pour des anomalies mammaires ne doit se contenter de lire un compte rendu. Il doit regarder les clichés. Il doit  les exiger de la patientes et donc refuser de se prononcer si cette dernière a omis de les amener. Une consultation de surveillance ne peut être une simple formalité. Elle exige un engagement aussi important que pour un acte de soin.

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Article de R. Mislawski, docteur en médecine, docteur en droit - Mise à jour : 13/02/07

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