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Recours contre les référentiels de la HAS  (CE, n° 334396, 27 avril 2011)

Cette rubrique est assurée par R. Mislawski, docteur en médecine, docteur en droit.

Le Conseil d’Etat vient de rendre une décision particulièrement éclairante  concernant les recommandations de bonnes pratiques élaborées par la HAS.

L’association pour une formation médicale indépendante (FORMINDEP) a demandé à la HAS d’abroger la recommandation professionnelle relative au traitement médicamenteux du diabète de type 2 de novembre 2006. Le président de la HAS a refusé de faire droit à cette demande. L’association a alors saisi le Conseil d’Etat contre la décision de la HAS.  

Le CE va donner raison à l’association ; la recommandation doit être abrogée car elle a été élaborée dans des conditions irrégulières.

Différents  points sont examinés par le CE, mais nous en retiendrons deux ; la recevabilité de la demande, l’illégalité de la décision attaquée.

1)    recevabilité de la demande

Pour que le CE puisse se prononcer sur une demande d’annulation de recommandation de bonne pratique encore faut-il reconnaître à cette dernière la nature d’acte administratif unilatéral  faisant grief au demandeur. Le président de la HAS avait soulevé une fin de non recevoir en affirmant que les recommandations étaient un acte insusceptible de recours. La question devait donc être réglée avant d’aborder le fond du litige.

La recevabilité dépend donc de la nature des recommandations ; pour qu’elles puissent être attaquées devant le CE il faut que celui-ci leur reconnaisse une nature réglementaire. Un acte réglementaire est un acte qui modifie l’ordonnancement juridique en imposant par exemples des obligations à ses destinataires ; c’est en cela qu’on dit qu’un acte réglementaire fait grief. En effet tous les actes administratifs n’ont pas ce caractère ; ainsi les avis de la HAS en matière de service médical rendu ne font pas grief car c’est le ministère de la santé qui inscrit le médicament sur la liste des produits remboursables ou qui s’y refuse. Les avis de la HAS  sont donc insusceptibles de recours (CE, 12 octobre 2009, n° 322784).

Le CE examine les textes du code de la sécurité sociale (article L. 161-37 et R. 161-72).

« les recommandations de bonnes pratiques élaborées par la HAS ont pour objet de guider les professionnels de santé dans la définition et la mise en œuvre des stratégies de soins à visée préventive, diagnostique ou thérapeutique les plus appropriées sur la base des connaissances médicales avérées à la date de leur édiction ; qu’eu égard à l’obligation déontologique incombant aux professionnels de santé en vertu des dispositions du CSP d’assurer au patient des soins fondés sur les données acquises de la science telles qu’elles ressortent notamment de ces recommandations de bonnes pratiques, ces dernières doivent être regardées comme des décisions faisant grief susceptibles de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir ; qu’il en va par suite de même du refus d’abroger de telles recommandations , qu’il suit de là que la fin de non recevoir opposée par la HAS ne peut être qu’écartée ».

Pour le CE, Les référentiels ont pour but de définir les bonnes pratiques qui s’imposent à tous les professionnels  dans leur domaine. Ils ont  un caractère obligatoire pour eux au regard du code de déontologie   en tant qu’ils prescrivent une conduite qui est la meilleure au regard de l’état des connaissances scientifiques. Les recommandations ont donc une nature  de norme règlementaire,  mais ce sont des normes particulières. Ce sont  des normes  techniques, car elles se rattachent en principe à la connaissance acquise ; elles sont des normes issues des faits.

Le CE avait déjà abordé cette question, en 2005, mais avec moins de force (CE, 12 janvier 2005, n° 256001).  Les référentiels  avaient été considérés comme  des normes juridiques ayant la nature de circulaires administratives pouvant  être contestées devant le juge administratif  lorsqu’elles ont un caractère impératif.  La motivation du CE ouvrait la voie à une discussion sur la nature du référentiel en fonction de sa rédaction dans la mesure où les  référentiels ne se présentent pas toujours sous une forme  impérative. Le CE va plus loin en 2011 et clôt cette éventuelle source de discussion ; du fait des obligations des professionnels de santé et parce que les référentiels doivent refléter la connaissance acquise alors la façon dont ils sont rédigés est sans importance ; ils s’imposent dans tous les cas et on peut dire que leur violation est une source de responsabilité pour les professionnels (à moins bien entendu d démontrer qu’ils sont obsolètes, mais ce point n’est pas abordé dans l’arrêt). La possibilité de contestation des recommandations de bonnes pratiques se trouve simplifier et accrue.

2)    La légalité de la décision

La légalité d’un acte réglementaire peut concerner aussi bien les règles procédurales d’édiction de la norme que sa légalité substantielle.

En l’espèce le CE se limite à l’examen des règles de procédure sans examiner le fond des recommandations.  L’article 161-44 du code de la SS et l’article L. 5323-4 du CSP qui s’appliquent  aux membres qui concourent aux travaux de la HAS de façon régulière ou occasionnelle disposent que ces personnes « ne peuvent par eux-mêmes ou par personne interposée avoir dans les établissements ou entreprises contrôlées  par l’agence aucun intérêt de nature à compromettre leur indépendance […]. ». Il résulte des mêmes articles « que toutes les personnes qu’ils visent, doivent adresser au directeur de l’organisme auquel ils apportent leur concours une déclaration annuelle mentionnant leurs liens directs ou indirects ave c les entreprises dont les produits entrent dans le champ de leurs  travaux ainsi que les sociétés ou organises de conseil intervenant dans le même champ ». L’association soutient que  la recommandation litigieuse a été élaborée en méconnaissance du principe d’impartialité car des experts avaient des liens avec des entreprises pharmaceutiques, d’où un conflit d’intérêts.

La HAS n’a pas été en mesure de verser au dossier l’intégralité des déclarations d’intérêts dont l’accomplissement est pourtant obligatoire. De ce fait le CE considère que la recommandation a été élaborée dans des conditions irrégulières et demande son abrogation.

On voit donc que le CE procède à un contrôle approfondie de la légalité de la prise de décision et accorde à la question des conflits d’intérêt et de leur prévention par des déclarations obligatoires une grande importance ; le seul défaut de déclaration doit faire considérer la recommandation comme illégale. Le scandale du Médiator n’est probablement pas sans lien avec la rigueur du CE.

On peut penser que la question de la valeur substantielle des recommandations pourrait aussi être posée au CE ; ce denier a bien pris soin d’affirmer que la recommandation doit refléter la connaissance acquise au moment de son édiction. Si tel n’était pas le cas, il est à penser que le CE pourrait aussi enjoindre à l’autorité qui l’a édictée de l’abroger. La porte est donc largement ouverte sur le contrôle des recommandations qui prolifèrent dans tous les domaines de l’activité de santé sous l’impulsion de diverses structures de nature administratives bien au-delà de la seule HAS.

Article de R. Mislawski, docteur en médecine, docteur en droit - Mise à jour : 12/05/11

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