Saint-Louis Réseau Sein

Une équipe pluridisciplinaire au service du patient

La preuve de l’information du patient

La preuve de la délivrance de  l’information au patient  a pris une ampleur considérable pour tous les professionnels. Il importe, pour bien comprendre les enjeux de cette question  d’en faire d’abord un court rappel historique (I), avant de préciser les éléments de solution qu’on peut lui  donner  (II).

 

(I)     Historique d’une révolution

 

En 1997, la Cour de cassation a rendu un arrêt qui a eu un grand retentissement concernant la charge de la preuve de l’information. Alors que la preuve du défaut d’information incombait au patient qui l’invoquait depuis un demi-siècle, il a été décidé que tel n’était plus le cas. Depuis cette date, la charge de la preuve de la délivrance de l’information pèse sur les professionnels de santé. La loi du 4 mars 2002 a fait sienne cette règle qui figure à l’article L. 1111-2 du Code de la santé publique qui dispose que « en cas de litige, il appartient au professionnel ou à l’établissement de santé d’apporter la preuve que l’information a été délivrée à l’intéressé  […]. Cette preuve peut être rapportée par tout moyen. »

Ce changement majeur s’explique pour deux raisons. La première  tient à la volonté des magistrats de faciliter l’indemnisation des victimes d’accidents médicaux. La preuve de l’information se révélant souvent délicate à fournir et étant appréciée avec souplesse par les tribunaux, une telle évolution permettait d’étendre les possibilités de réparation. En effet, ne pas faire face à la charge de la preuve revient à succomber à l’instance sans que le patient qui se plaint n’ait aucune preuve à apporter en application de l’article 1315 du Code civil. La deuxième tient à la place prééminente prise par le concept de dignité de la  personne qui figure à l’article L. 1110-2 du Code de santé publique. Le patient étant devenu codécideur au  nom de son autonomie qui est le corollaire de sa dignité, l’information prend une place renouvelée. Elle doit lui  permettre de faire  un choix éclairé dont il assumera les conséquences en toute liberté.

Si le professionnel doit apporter la preuve qu’il a rempli son obligation, encore faut-il que les moyens par lesquels il peut se mettre en règle soient nettement énoncés. Or, tel n’est pas le cas, puisque le législateur, à la suite des juges, a affirmé que cette preuve pouvait  se faire par tout moyen ce qui n’est guère parlant. Il en résulte une certaine insécurité juridique qui n’est pas satisfaisante et qui génère bien de l’inquiétude chez les praticiens. Une part de celle-ci n’est pas infondée dans la mesure où il est difficile de faire face à une obligation en partie « floue » et que la règle a un caractère rétroactif. Des affaires remontant à plus de vingt ans par rapport à la décision de 1997, ont été jugées selon ces nouvelles exigences ce qui a entraîné la condamnation des professionnels qui n’avaient pu, évidemment, constituer des éléments probatoires à l’époque des faits. Toutefois, la situation a évolué depuis la première période où la nouvelle règle s’est installée et les éléments permettant de saisir comment le professionnel peut faire face à la charge de la preuve de l’information peuvent être mieux cernés.

 

II)   Les éléments de solution

Une chose est certaine actuellement l’écrit, hors les cas où la loi l’impose, n’est pas une preuve exigée des professionnels en cas de contestation de la part d’un patient. Ce qui ne signifie pas qu’il ne faille pas y recourir, mais il n’est qu’un élément parmi d’autres que le juge appréciera souverainement. Mal utilisé, il peut se retourner contre celui qui y recourt. Nous verrons la place limitée de l’obligation de recourir à l’écrit (1) et les données du droit positif qui, en dehors de ces cas, peuvent emporter la conviction du juge (2).

 

1)    L’écrit obligatoire

 

Un écrit doit être obligatoirement  rédigé et signé par le patient dans les cas suivants :

 

  • Procréation médicalement assistée ; accueil d’embryon (art. L. 2141-5 du CSP) ; don de gamètes;
  • Prélèvement de sang sur mineur;
  • Don d’organe avec donneur vivant;
  • Interruption  volontaire ou thérapeutique de grossesse;
  • Recherche clinique;
  • Entrée dans un réseau de santé.

 

2)    Les données du droit positif

 

Aucun texte officiel ne donne de solution précise aux modes de preuve de la délivrance de l’information. Les éléments rapportés ici sont ceux qu’on peut relever dans les décisions des tribunaux, en particulier la Cour de cassation, et qui forment ce qu’on appelle le droit positif. Il faut aussi tenir compte des opinions de certains juristes autorisés (la doctrine en droit) et des rapports annuels de la Cour  de cassation. Il s’agit donc de prendre note de ce qui a été considéré comme susceptible d’arracher la conviction du juge au gré des affaires qui ont eu lieu. On peut noter actuellement que les patients qui invoquent un défaut d’information sont loin de gagner à tous les coups : la jurisprudence semble avoir trouvé une position assez modérée et n’abuse pas des facilités que pourrait lui donner la charge de la preuve. Encore faut-il fournir aux juges et experts des indices tangibles.

 On peut regrouper ces éléments en deux ensembles : l’écrit (A) et  des indices divers (B). 

A)  L’écrit

Il faut rappeler ce qu’il ne doit pas être avant d’envisager son usage admissible.

Une chose est certaine, les magistrats ont vu d’un œil assez négatif la prolifération de nombreux formulaires qui ont surgi dès 1997 pour être remis au patient, allant du  dépliant très complet relatant avec précision tous les risques et séquelles des interventions au  simple bon à signer par lequel le patient reconnaissait avoir été informé de façon loyale et complète par son médecin. Ce discrédit sur les écrits traduit le sentiment qu’ils ont suscité dans le monde des juristes. Les juges ont écrit que pour eux cette façon de procéder traduisait une dérive néfaste, les médecins songeant plus  à leur défense qu’à  leur devoir vis-à-vis du patient en agissant ainsi. Ils craignaient que la nouvelle règle aboutisse à une modification radicale de la relation patient-médecin dont on sent assez bien qu’ils ne voulaient pas être tenus pour responsables….

La loi du 4 mars rappelle que l’information doit obligatoirement être donnée lors d’une consultation de façon orale pour qu’un dialogue s’engage entre  soignant et patient. L’écrit ne peut se substituer à l’entretien. La remise d’un écrit après une consultation des plus brèves, voire inexistante, serait jugée comme la preuve d’une absence d’information au sens juridique du terme. L’information est à la fois objective -ce qu’il faut dire -  mais aussi subjective - ce qui est compris, ce qui est attendu -   chez celui auquel elle s’adresse. L’information est donnée en fonction de la personne avec ses particularités. Aucun écrit ne peut aboutir à cela.

Par conséquent, les brochures ne peuvent être données qu’à titre de complément de la consultation.  Elles doivent être claires c'est-à-dire ne pas ressembler à une page de traité au sein de laquelle le patient ne peut se retrouver. Elles doivent attirer l’attention sur ce qui est important et grave. Il est nécessaire de prévoir  une zone en blanc à compléter en fonction du patient. Il peut être utile de souligner dans le texte ce qui doit absolument être compris par lui. Le juge, et parfois un expert, pourront se prononcer sur le contenu et la valeur informative de l’écrit. Il faut donc personnaliser, individualiser le document si on y recourt. 

Rappelons, enfin, qu’en aucun cas le fait de signer un quelconque papier ne vaut décharge de responsabilité pour le patient. Il faut expliquer le sens de la signature apposée au bas d’un document  pour éviter un malentendu qui n’est pas rare et  qui conduit souvent à la méfiance.

D’autres éléments écrits ont une grande importance. En premier lieu le dossier doit être correctement tenu et mis à jour ainsi que les fiches et cahiers de transmission en cas d’hospitalisation. Encore faut-il que le juge n’ait pas l’impression que le dossier a été écrit après coup ou modifié…Il est donc important que l’ensemble des données soit cohérent et que les documents puissent se recouper. C’est dire l’importance des courriers faits aux correspondants dont il peut être souhaitable de remettre des doubles au patient ce qui lève tout doute quant à la sincérité de leur contenu puisque ces documents ne sont pas conservés par le seul médecin. Il est donc conseiller de multiplier les courriers au fur et à mesure du suivi. Si un patient refuse un soin important, il est bon de lui faire parvenir un courrier avec A/R.

B) Indices divers

En dehors des écrits seront pris en compte :

 

  • le nombre des consultations  (bien tenir à jour les cahiers de rendez-vous et les conserver);
  • le délai entre consultation et intervention et donc le caractère urgent et utile de l’acte;
  • l’existence d’appels téléphoniques;
  • le recours à un autre avis;
  • le niveau socio- professionnel du patient;
  • la nature de l’acte;
  • les témoignages en général  sont de peu de valeur.

 

En conclusion, la preuve de la délivrance de l’information repose sur un faisceau d’éléments appréciés par le juge. Celui-ci ne se contente pas des affirmations du patient. Il utilise un raisonnement reposant  sur un modèle abstrait : le patient rationnel. La question pour lui ne se réduit pas à  la preuve de la délivrance de  l’information  mais s’étend à l’appréciation  des conséquences du défaut d’information sur la décision d’un patient « théorique ». S’il considère que ce patient idéal aurait de toute façon consenti au soin du fait de son état, il n’y aura pour le professionnel aucune conséquence juridique car il n’a pas causé de  préjudice.

__________

Article de R. Mislawski, docteur en médecine, docteur en droit - Mise à jour : 13/02/07

Saint-Louis Réseau Sein
1, avenue Claude Vellefaux
75475 PARIS cedex 10

Mentions légales - Saint-Louis Réseau Sein© 2006


Secrétariat : 01 42 49 47 48 - Fax : 01 42 01 62 32