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Défaut d’information et utilité de l’acte médical ; civ. 1ere 28 janvier 2010

Cette rubrique est assurée par R. Mislawski, docteur en médecine, docteur en droit.

Le défaut d’information relatif à un acte de diagnostic, de traitement ou de prévention n’ouvre droit qu’à une indemnité partielle au titre de la perte de chance selon une jurisprudence bien établie.

Il faut pour cela qu’un dommage se soit réalisé à la suite de cet acte et que le juge considère que mieux informé le patient aurait pu prendre une décision différente qui lui aurait ainsi évité de subir le dommage dont il est atteint. La perte de chance est un préjudice autonome du dommage final qui s’évalue au prorata des chances perdues par le manque d’information, évaluation souverainement faite par le juge. On applique ce pourcentage au montant du préjudice final pour connaître le montant de la réparation.

Pour autant, la réparation partielle du dommage est-elle la seule solution pour les juges en cas de défaut d’information ? La Première chambre civile de la Cour de cassation a apporté des précisions sur ce point de droit dans sa décision du 28 janvier 2010.

Mme Y est opérée par le docteur X d’une intervention qualifiée de mutilante (dont la nature n’est pas précisée dans l’arrêt) dont il est résulté divers préjudices en particulier un ITT de un mois, puis une ITP de 15% et enfin une IPP et un pretium doloris. La patiente n’avait pas été informée des risques de l’intervention. La patiente assigne le chirurgien pour voir reconnue sa responsabilité civile et obtenir indemnisation de ses divers préjudices.

En appel la patiente obtient une indemnisation partielle de ses préjudices au titre de la perte de chance en rapport avec le défaut d’information invoqué et reconnu. Elle se pourvoit en cassation contre la décision des juges du fond.

La Cour de cassation va casser l’arrêt de la Cour d’appel dans un arrêt de principe au visa des articles 1142-1 du CSP et 16-3 du code civil en énonçant « qu’ en statuant ainsi alors qu’elle avait retenu que les préjudices de Mme Y avait été victime découlaient de façon directe, certaine et exclusive d’une intervention chirurgicale mutilante, non justifiée et non adaptée de sorte qu’ils ouvraient aussi droit à réparation la cour d’appel a violé les textes susvisés ».

L’apport de cet arrêt est important.

Il est utile de rappeler le contenu des articles visés par la Cour. L’article 1142-1 du CSP pose les principes généraux qui régissent la responsabilité des professionnels de santé tels que les a posés la loi du 4 mars 2002. Il dispose que « hors les cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé, les professionnels de santé [….] sont responsables des conséquences des actes dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute ». Cet article réaffirme donc que la responsabilité des professionnels de santé repose sur la faute. Une faut quelconque aussi minime soit-elle suffit à engager la responsabilité d’un professionnel qu’elle soit de nature technique ou éthique.

L’article 16-3 du code civil est issu des lois de bioéthique de 1994. Il dispose qu’« il ne peut être portée atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l’intérêt thérapeutique d’autrui. Le consentement de l’intéressé doit être recueilli préalablement hors les cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n’est pas à même de consentir ».

L’article 16-3 est fondamental pour justifier la décision de la Cour de cassation. L’activité médicale est une activité qui à peu près constamment porte atteinte à l’intégrité du corps humain. Mais l’atteinte au corps humain est une prérogative accordée par la loi aux professionnels de santé sous réserve du respect de certaines conditions énoncées dans ce même article.

Il faut d’une part le consentement préalable de la personne, mais celui-ci ne suffit pas. Il faut que l’acte soit médicalement justifié ; la demande par un patient d’un acte non médicalement justifié ne doit pas être satisfaite par le médecin. Il doit refuser d’y souscrire et le consentement de la personne n’est pas exonératoire de responsabilité dans ce cas.

En l’espèce on peut noter deux fautes médicales ; un défaut d’information, mais aussi et surtout la réalisation d’une intervention jugée par les experts comme « mutilante, non justifiée et non adaptée ». L’atteinte au corps humain est donc illicite au regard des dispositions de l’article 16-3. L’entier préjudice doit être réparé et non seulement la perte de chance liée au défaut d’information.

Article de R. Mislawski, docteur en médecine, docteur en droit - Mise à jour : 16/05/11

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