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Obligation d’information du médecin à l’égard de son patient : un durcissement de la jurisprudence.  (juin 2010)

Cette rubrique est assurée par R. Mislawski, docteur en médecine, docteur en droit.

La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a fait de la délivrance de l’information aux patients une obligation de nature légale qui s’impose à tout professionnel de santé qui doit la remplir avant de  mettre en œuvre traitement, investigation ou acte de prévention (art. L. 1111-2 CSP).  La loi n’a fait que reprendre les avancées de la jurisprudence qui s’était édifiée depuis de nombreuses années. Si cette obligation a une portée générale, elle n’en connaît pas moins des limites que la loi elle-même  précise ; refus du patient d’être informé (art. L. 1111-2 al. 4) ou  impossibilité pour le patient de recevoir l’information du fait de la situation d’urgence où il se trouve ou de son état (art. L. 1111-2 al. 3). Enfin  les risques anormalement prévisibles n’ont pas à être signalés.

Le défaut d’information peut ouvrir droit à réparation en droit civil ou administratif, mais cela n’est pas automatique ou du moins cela n’était pas le cas jusqu’à la décision du 3 juin 2010 de la première chambre civile de la Cour de cassation.

Constater un  défaut d’information ne suffisait pas jusqu’à présent pour obtenir réparation devant les juridictions civiles ; il fallait que le défaut d’information ait causé un préjudice au patient qui en règle était seulement une perte de chance d’éviter un dommage qui s’était réalisé. Mieux informé, le patient aurait pu faire un autre choix qui lui aurait permis d’éviter de subir le préjudice dont il souffrait.

Pour affirmer que l’information aurait pu faire changer d’avis le patient, le juge utilisait un modèle assez abstrait et  fondait pas sa décision  sur les allégations du patient. Il se mettait  dans la position d’un patient idéal, rationnel, confronté à la même situation. Le juge se demandait quel aurait été son choix ; si sa conclusion était  que, même informé correctement, il n’aurait pas pris une autre décision,  alors il considérait qu’il n’y avait  pas de préjudice et donc pas d’indemnisation. Au contraire, s’il pensait que l’information aurait pu faire renoncer le patient à sa décision il l’indemnisait pour une fraction des chefs de préjudices constatés (Civ. 1re, 7 décembre 2004, pourvoi n° 02-20741, non publié au bulletin).

La première chambre civile de la  Cour de cassation vient de prendre un tournant notable  en dissociant sanction du défaut d’information et perte de chance dans l’arrêt n° 573  du 3 juin 2009 (09-13.591) que nous rapportons.    

Un patient subit une adénomectomie prostatique en 2001 ; il se plaint d’impuissance depuis cette intervention et recherche la responsabilité de l’urologue qui l’avait opéré.  En appel, il est débouté de sa demande et se pourvoit en cassation.

En cassation, il invoque deux griefs ; l’un est relatif à un défaut dans le suivi post opératoire, l’autre à un défaut d’information qui nous retiendra seul.

La Cour d’appel avait en effet retenu que le défaut d’information n’avait eu aucune conséquence dans la mesure où il n’existait pas d’alternative au traitement proposé. Par conséquent pour le juge, le patient même correctement informé n’aurait pas refusé l’intervention.

La Cour de cassation ne suit pas les juges du fond et casse leur décision au visa des articles 16, 16-3 et 1382 du code civil et énonce un principe qu’elle rattache à sa lecture de ses articles ; «  attendu qu’il résulte des deux premiers textes que toute personne a le droit d’être informée préalablement aux investigations, traitements ou actions de préventions proposées, des risques inhérents à ceux-ci, hors le cas où son état rend nécessaire une intervention à laquelle elle n’est pas en état de consentir, ; que le non respect du devoir d’information qui en découle cause à celui auquel l’information était légalement due, un préjudice qu’en vertu du dernier texte susvisé, le juge ne peut laisser sans réparation ».  La cour d’appel en refusant la réparation a donc violé par refus d’application les textes sus visés d’où cassation avec renvoi devant une autre juridiction d’appel.

Cet arrêt constitue donc un revirement de jurisprudence dont la portée est grande car  il  aggrave, une fois de plus,  la responsabilité des professionnels. L’information doit donc être la plus exhaustive possible quand bien même le patient n’a pas réellement de choix thérapeutique. En visant l’article 16 du code civil la Cour de cassation entend par sa décision défendre la dignité de la personne, et en visant l’article 16-3 elle entend faire des dérogations  à l’obligation d’information une application stricte ; celui-ci dispose en effet que le consentement à tout acte médical doit être donné préalablement à sa mise en œuvre hors le cas où son état ne lui permet pas de consentir et qu’il y a nécessité à le traiter. Enfin en visant l’article 1382 (« tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer »), la Cour de cassation affirme qu’il s’agit d’une obligation pré contractuelle.

On peut penser a priori que la cour d’appel condamnera le praticien, mais que le montant de la réparation ne sera pas important. Cette décision ne remet pas en cause l’existence du préjudice de perte de chance, mais ajoute une nouvelle source de réparation au droit de la responsabilité civile des professionnels de santé.

 En fait, il s’agit moins d’une réparation que d’un usage pénal du droit civil qui sanctionne un comportement sans égard à ses conséquences ; la transgression d’une norme. On peut dire qu’il s’agit en réalité d’un délit formel. La jurisprudence de la Cour de cassation fait un usage assez fréquent de la fonction pénale de la responsabilité civile dans bien des domaines en particulier dans le droit de la concurrence. Il est plus rare qu’il en soit ainsi dans le droit de la santé.

Article de R. Mislawski, docteur en médecine, docteur en droit - Mise à jour : 12/06/10

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