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Le majeur en état d’incapacité et le soin

Le consentement du patient est un préalable indispensable à la réalisation de tout acte de soin, de prévention ou de diagnostic. Son recueil est un élément de la légalité de l’action de chaque professionnel de santé selon le code civil (CC) et le code de la santé publique (CSP). Ces dispositions sont d’ordre public, c'est-à-dire que nulle dérogation n’est possible. Le code de déontologie médicale reprend ces dispositions (article 36).

 

Art. 16-3 du CC : Il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l’intérêt thérapeutique d’un tiers.

Le consentement de l’intéressé doit être recueilli préalablement hormis le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n’est pas à même de consentir.

 

Art. 1111-4 al. 3 du CSP : Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment.

 

Toutefois, pour que le consentement soit valable la personne qui doit le donner doit être juridiquement capable de le faire  (art. 1123 du CC). Toute personne est présumée avoir pleine capacité à l’exception des mineurs non émancipés et des majeurs protégés (art. 1124 et 488 du CC). A ces deux cas, il faut rajouter les incapacités cliniquement constatables même si elles n’ont pas entraîné de mesure de protection (art. 489 du CC). Dans la mesure où près de 1% de la population est sous un régime de protection, la question de la délivrance de soins à des personnes qui sont juridiquement en incapacité de consentir n’est donc pas rare dans la pratique médicale. Ce n’est pas parce qu’une personne n’est pas apte à conclure elle-même un contrat de soin que celui-ci est impossible. Le législateur a prévu des mesures spécifiques pour pallier ce défaut de capacité. Il faut distinguer deux cas de figures : les personnes en état d’incapacité ne bénéficiant pas d’une mesure de protection juridique (I) et celles qui en bénéficient (II).

I) Les personnes en incapacité ne bénéficiant pas d’une mesure de protection

Une telle situation est possible pour  différentes raisons. La personne peut se trouver dans l’impossibilité d’exprimer son consentement d’un fait d’une circonstance brutale et temporaire qui n’a pas pu donner le temps de faire une demande de protection. Il peut s’agir au contraire d’un état durable mais qui n’a pas été perçu par l’entourage du patient ou qui affecte une personne vivant seule.  Enfin, il peut s’agir d’un état chronique chez une personne mariée : dans ce cas, le conjoint peut, en application du régime matrimonial primaire, être autorisé par le juge à représenter son conjoint sans qu’il soit procédé à une mesure de protection (art. 219 du CC).

Le professionnel de santé  peut signaler au juge des tutelles qu’une personne est dans un état qui nécessiterait l’ouverture d’une mesure de protection, mais la démarche est longue et la décision ne peut être attendue dans un contexte de soins (art. 493 CC). Le juge peut cependant ordonner des mesures temporaires de protection en urgence.

Hormis les situations d’urgence, où la primauté de la survie de la personne s’impose et oblige à mettre de côté les exigences usuelles en matière de consentement de la personne, aucune décision ne peut être prise par le professionnel de santé de son propre chef.

La loi du 4 mars a prévu que dans le cas où une personne n’est pas en mesure de consentir du fait de son état, la décision doit être prise après consultation d’un certain nombre de personnes (art. 1111-4 al. 4 et 5 du CSP) : personne de confiance, famille ou proches. Cette consultation préalable est donc obligatoire. Toutefois, le médecin reste en charge de la décision et n’est pas obligé de suivre l’opinion des personnes consultées : elles ne font que refléter l’opinion de la personne concernée ce qui constitue une aide à la décision sans caractère obligatoire. Le médecin n’est donc pas dans les mêmes conditions que lorsqu’il est en face d’un patient de pleine capacité dont il doit toujours respecter la décision après l’avoir averti des risques qu’il encourt en refusant un traitement.  

La personne de confiance est instituée par l’article 1111-6 du CSP. Il peut s’agir d’un parent, d’un proche ou du médecin traitant. La personne de confiance doit avoir été désignée par écrit lors de l’admission à l’hôpital et avoir accepté cette mission. Elle est consultée prioritairement et son avis prime (pour la loi) sur celui des autres personnes désignées subsidiairement par le CSP que sont la famille et les proches. Une personne en tutelle ne peut désigner une personne de confiance.

II) Les personnes bénéficiant d’une mesure de protection juridique

Toutes les mesures de protection juridique de la personne n’ont pas les mêmes conséquences au regard de la limitation des pouvoirs de la personne qui en bénéficie. On distingue la sauvegarde de justice, la curatelle et la tutelle qui ont chacune un régime juridique différent. Le CSP ne donne des solutions que pour le majeur en tutelle.

En cas de sauvegarde de justice, la personne n’est pas considérée comme incapable et son consentement doit être recherché comme d’habitude. Aucune autre autorisation n’est nécessaire. La loi veille uniquement à ce que ses actes ne lui causent pas de tort et en facilite l’annulation. C’est un régime temporaire.

La curatelle est à mi-chemin entre ce premier régime et la tutelle. Le majeur en curatelle est seulement assisté dans ses actes et non représenté. Son incapacité est donc partielle et ne l’empêche d’agir que pour les opérations les plus importantes qu’il ne peut accomplir sans l’assistance du curateur. Aussi son consentement à un acte médical doit il être obtenu dans tous les cas. Il suffit incontestablement pour les soins les plus courants. Pour des soins plus lourds ou lui faisant courir un risque, faute de précision dans le CSP, la démarche est plus problématique. Certains juristes pensent que l’accord du curateur n’est pas nécessaire, aucun texte ne prévoyant son intervention. D’autres estiment qu’il faut extrapoler la distinction entre acte courant et acte grave qui existent dans le droit commun de la curatelle relativement à la gestion patrimoniale et donc solliciter l’assistance du curateur. Cette solution paraît la plus sage.

La mise sous tutelle est la forme la plus lourde de la protection : le patient sous tutelle est frappé d’une incapacité générale et permanente (art. 492 du CC). Tous les actes le concernant doivent être réalisés par le tuteur qui est son représentant légal. Par conséquent, le droit à l’information et l’accès au dossier sont exercés par le tuteur (art. 1111-2 CSP). L’obligation au secret est écartée à son profit. Le consentement au sens juridique ne peut émaner que du tuteur. Aucun acte ne peut être donc fait sans son accord, et dans les cas où l’intervention ou un soin pourrait présenter des risques importants (greffe de moelle par exemple, chirurgie lourde) il faudrait obtenir aussi celui du juge des tutelles ou du conseil de famille.

Dans tous les cas, le consentement du majeur sous tutelle doit être recherché si ses capacités de compréhension sont suffisantes. Il doit être aussi informé dans la mesure du possible et selon son état. Il s’agit d’un impératif éthique : la personne ne se réduit pas à son statut d’incapacité qui a surtout pour but de défendre son patrimoine. Le code de déontologie le rappelle dans son article 42. Son choix s’il parait éclairé doit être respecté.

Le refus du tuteur d’un soin qui paraît nécessaire sous peine d’entrainer des conséquences graves pour la santé du majeur est prévu à l’article 1111-4 al. 5 du CSP : le médecin délivre malgré tout les soins. Il doit plus que dans tout autre cas se mettre à l’abri des poursuites qui pourraient s’ensuivre en consignant par écrit les justifications de son choix. Si le traitement n’est pas urgent il peut saisir le juge des tutelles pour obtenir son accord.

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Article de R. Mislawski, docteur en médecine, docteur en droit - Mise à jour : 5/03/07

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