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A propos de la nullité des donations aux professionnels de santé

Cette rubrique est assurée par R. Mislawski, docteur en médecine, docteur en droit.

Normalement, toute personne peut être bénéficiaire d’une libéralité soit entre vifs soit à titre testamentaire. Les professions de santé font exception  à ce principe selon l’article 909 du code civil ; « les membres des professions médicales et de la pharmacie ainsi que les auxiliaires médicaux qui ont prodigué des soins à une personne pendant la maladie dont elle meurt ne peuvent  profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires qu’elles auraient faites en leur faveur… ».

La formulation est reprise dans le code de déontologie à l’article 52. Cette disposition se justifie par la volonté d’éviter les captations de biens par les professionnels de santé, les patients étant des personnes vulnérables en particulier lorsqu’ils sont dans une phase avancée d’une maladie devenue incurable. L’article 909 comme l’article 52 ne font qu’appliquer les principes énoncés à l’article 3 du code de déontologie : « le médecin doit en toutes circonstances respecter les principes de moralité, de probité et de dévouement indispensables à l’exercice de la médecine ».

Mais que faut-il entendre par soigner une personne ? L’arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 4 novembre 2010 apporte des précisions sur ce point.

Un patient atteint d’un mésothéliome pleural souscrit une assurance vie au profit de Mme X. psychiatre-psychanalyste. A la suite du décès du patient, la légataire du patient intente une action en annulation de cette donation sur le fondement de l’article 909 du code civil ; elle considérait que la psychiatre était un médecin ayant traité le patient au cours de sa dernière maladie. La demande est accueillie en appel et la psychiatre se pourvoit en cassation.

 La psychiatre critique la décision des juges du fond : pour elle l’interdiction faite au médecin de profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires de la part de personnes qu’ils ont soignées pendant la maladie dont elles sont décédées, n’a lieu de s’appliquer qu’aux médecins ayant dispensé un traitement en vue d’assurer la guérison du patient. La psychiatre, par sa spécialité, ne pouvait donc avoir participé au traitement du mésothéliome dont était décédé le patient. La Cour d’appel en appliquant les dispositions de l’article 909 du code civil les a violées en ne tirant pas les conséquences de ses propres constatations selon elle.

La question posée à la Cour de cassation visait donc à savoir si traiter une maladie au sens de l’article 909 du code civil, c’est uniquement prodiguer des traitements actifs contre la maladie dont est affecté le patient ?

La Cour de cassation va rejeter le pourvoi. La psychiatre avait été consultée à plusieurs reprises jusqu’au décès du patient ; si la psychiatre n’a pu traiter le patient pour le cancer dans il était atteint, elle avait apporté au patient un soutien accessoire au traitement purement médical mais associé à celui-ci parallèlement au traitement oncologique, en donnant des soins réguliers et durables afférents à la pathologie secondaire dont était affecté le patient en raison de la première maladie dont il devait décéder et dont la seconde était la conséquence. La Cour a pu en déduire que la psychiatre avait soigné le patient pendant sa dernière maladie au sens de l’article 909 de sorte qu’elle était frappée d’une incapacité de recevoir à titre gratuit.

La solution de la Cour de cassation est logique et doit être approuvée en ce qui concerne la façon dont cette dernière a motivé sa décision. La notion de traitement ne va pas de soi et on peut noter qu’elle varie d’un texte de loi à l’autre. Si on prend la loi Léonetti, par exemple, on peut noter que l’alimentation et l’hydratation artificielles sont des traitements alors qu’en général elles sont considérées comme des soins. Définir le périmètre de la notion dans un texte donné est donc nécessaire car on ne peut considérer qu’elle est univoque et bien délimitée.

Deux conceptions s’opposaient en l’espèce ; une conception restrictive et une conception élargie. La conception restrictive était défendue par la psychiatre ; un traitement doit avoir pour but de guérir la maladie ou tout au moins de la ralentir. Il s’attaque au mal lui-même. Dans ce cas, il ne fait pas de doute que les soins de support, comme le soutien psychologique ne peuvent entrer dans cette catégorie. La conception élargie est celle qui va être retenue par la Cour de cassation en justifiant sa décision par le recours à la notion d’accessoire. Par traitement au sens de l’article 909 du code civil, il faut entendre bien entendu les soins à visée curatives, mais aussi les soins qui en sont le complément dans la mesure où ils prennent ne charge des troubles qui sont la conséquence de la maladie initiale.

Les troubles psychologiques du patient étaient secondaires à son cancer, et le soutien psychiatrique a donc été le complément nécessaire des soins oncologiques ; ils en sont l’accessoire. Selon une règle bien établie en droit ; « l’accessoire suit le principale » c'est-à-dire que la règle applicable au principal s’applique à ce qui est en est l’accessoire.

C’est cette règle que la Cour de cassation applique ; le traitement oncologique est le traitement principal ; l’oncologue ne peut bénéficier d’une libéralité de son patient ; le traitement psychiatrique est accessoire du traitement oncologique et doit donc suivre le même régime ; par conséquent la psychiatre ne peut recevoir de libéralité du patient.

Article de R. Mislawski, docteur en médecine, docteur en droit - Mise à jour : 2/05/11

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