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Une  nouvelle définition de la faute médical

Cette rubrique est assurée par R. Mislawski, docteur en médecine, docteur en droit.

Une  nouvelle définition de la faute médicale  pour la Cour de cassation  (Civ. 1re, 20 janvier 2011).

Depuis la loi du 4 mars 2002 la responsabilité d’un professionnel ne peut, sauf cas particuliers, être engagée que s’il a commis une faute (article L. 1142-1, I du Code de la santé publique). La loi ne définit pas bien entendu ce qu’est une faute médicale et c’est à la jurisprudence qu’il est revenu de le faire. L’arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 20 janvier 2011 vient apporter une nouvelle  touche à la définition de la faute civile  qui devrait avoir pour conséquence une aggravation de la responsabilité des professionnels de santé.

Un patient subit en 2006 une intervention sous anesthésie générale pendant laquelle se produit une lésion dentaire dont il demande réparation à l’anesthésiste.

La demande est rejetée en première instance ; le patient se pourvoit alors en cassation.

Le juge de proximité avait considéré qu’aucune faute ne pouvait être reprochée à l’anesthésiste qui s’était conformé aux règles de bonne pratique ; sa responsabilité ne pouvait être engagée et le dommage résultait donc d’un aléa.

La question qui était soulevée devant la Haute juridiction était donc de savoir si la conformité d’un acte aux règles de bonne pratique était exclusive de toute faute.

La Cour de cassation censure le jugement en affirmant que la juridiction de proximité a violé l’article L. 1142-1,I ; elle n’a pas constaté que le dommage résultait d’un risque accidentel à l’acte médical  qui ne pouvait être maîtrisé. La décision est cassée et renvoyée devant une autre juridiction.

Cet arrêt est d’une grande importance car il donne une nouvelle définition de la faute dans le domaine de la santé (II) , et cette définition est plus « dure » pour les professionnels que la définition traditionnelle (I).

I) La définition traditionnelle  de la faute

Traditionnellement on distingue la faute d’humanisme (information, consentement, respect de la dignité)  et la faute technique (soin, prévention). Dans l’affaire évoquée dans l’arrêt il s’agit d’une faute technique qui s’est produite au cours d’une anesthésie. La définition de la faute a été posée en 1936 dans l’arrêt Mercier qui a affirmé ; « il se forme entre le médecin et son client un véritable contrat comportant pour le praticien l’engagement sinon bien évidemment de guérir le malade, du moins de lui donner des soins consciencieux, attentifs et réserve fait de circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science ». Le code de la santé publique a repris cette définition en l’enrichissant quelque peu à l’article L. 1110-5. Le code de déontologie médicale (article 32) a aussi fait sien la formulation de l’arrêt Mercier.

Cette définition signifie que les médecins ont une obligation de moyen et non de résultat vis-à-vis des patients. La faute est un défaut dans la mise en œuvre de moyens que l’on juge à l’aune de la connaissance acquise au moment des faits.  La faute est un manquement aux données acquises de la science. L’importance du manquement est sans importance ; aussi minime soit-il il est constitutif d’une faute.

La démarche du juge de proximité est conforme à cette façon de déterminer la faute ; il s’est référé aux règles de bonne pratique qui sont une des modalités dont la connaissance acquise est depuis un certain temps « codifiée ». Les règles étant respectées pour le juge, il ne pouvait y avoir de faute.  Et pourtant la Cour de cassation ne va pas le suivre en posant une nouvelle règle prétorienne.

II) La nouvelle définition de la faute

La faute est définie comme « un risque accidentel inhérent à l’acte médical et qui ne pouvait être maîtrisé ». Par risque accidentel, il faut entendre que le dommage n’est pas la suite d’un acte volontaire. Ce n’est pas neuf. Par contre c’est l’absence de possibilité de maîtrise qui est une innovation.

Qu’il faille que le médecin respecte les données acquises de la science ne suffit plus. Il faut en plus qu’il maîtrise les risques connus dans la mesure où cela est possible. Il y a donc une exigence de plus. Il n’y aura pas faute dans le seul cas où le risque était non maîtrisable. Une telle situation sera rarement reconnue a priori ; quel risque n’est pas absolument maîtrisable ? L’appréciation de cette nouvelle exigence aggrave la responsabilité du médecin et donne un large pouvoir d’appréciation au juge.

D’une certaine façon la Cour de cassation semble dire qu’il n’y pas de faute qu’en cas de  quasi force majeure. La force majeure est tout évènement imprévisible et irrésistible et dont la survenue est exonératoire de responsabilité (article 1148 du code civil). Ici, manque le caractère imprévisible. Mais il reste le caractère non maîtrisable du risque qui est peut différent du caractère irrésistible de la force majeure.  

On peut penser que la juridiction de renvoi ne pourra que constater que le bris dentaire n’était pas totalement non maîtrisable et qu’il y a donc faute.

La portée de cet arrêt est donc considérable.

Article de R. Mislawski, docteur en médecine, docteur en droit - Mise à jour : 25/01/11

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