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Condamnation pour homicide involontaire d’un médecin généraliste et d’un radiologue

Cette rubrique est assurée par R. Mislawski, docteur en médecine, docteur en droit.

Condamnation pour homicide involontaire d’un médecin généraliste et d’un radiologue pour retard diagnostic d’un cancer du sein et  mise en œuvre d’un traitement substitutif de la ménopause.

La Chambre criminelle de la Cour de cassation a rendu le 15 décembre 2009 une décision riche d’enseignements en matière de responsabilité pénale des médecins.  

En mars 2001, le docteur A. médecin généraliste de Mme Z lui prescrit une mammographie qui est réalisée par le Dr B. radiologue du centre hospitalier local. Ce denier repère une image suspecte et préconise de refaire l’examen dans 6 mois.

Le MG n’informe pas la patiente des conclusions du radiologue et lui prescrit un traitement substitutif de la ménopause.

En novembre 2003, le diagnostic de cancer est posé par une nouvelle mammographie et une échographie. Mme Z.  subit une intervention chirurgicale et des traitements complémentaires qui vont justifier une incapacité totale de travail.

La patiente recherche alors la responsabilité pénale du MG et du radiologue du chef de blessures involontaires en mars 2007. Le MG est reconnu coupable de blessures involontaires et condamné à un an d’emprisonnement avec sursis, 5000 € d’amende et un an d’interdiction d’exercer. Le radiologue est relaxé. Des indemnités civiles sont accordées à la victime et à son mari.

En avril 2007 la patiente décède des suites de son cancer. Le procureur de la République obtient en appel la requalification de la prévention en homicide involontaire et l’affaire est renvoyée au fond devant une autre cour.

Les deux médecins sont reconnus coupables d’homicide involontaire en appel  en novembre 2008 et forment un pourvoi en cassation contre cette décision.

Leur pourvoi est rejeté par la chambre criminelle de la cour de cassation.

Il est important de revenir sur l’argumentation des médecins et de la Cour de cassation pour comprendre la justification d’une telle condamnation exceptionnelle dans ce contexte.

La discussion a porté sur le lien de causalité entre le décès de la patiente et la faute médicale mais aussi sur la nature des lésions notées dans la première mammographie.

La détermination du lien de causalité est soumise aux exigences de l’article 121-3 du code pénal qui dispose ;

« Il n’y a point crime ou délit sans intention de le commettre. Toutefois lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas de mise en danger délibérée de la personne d’autrui.

Il y a également délit lorsque la loi le prévoit en cas de faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait.

Dans le cas prévu à l’alinéa précédent, les personnes physique qui n’ont pas causé directement le dommage mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n’ont pas pris les mesures permettant d e l’éviter sont responsables pénalement s’il est établi qu’elles ont soit violé de façon manifestement  délibéré une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’il ne pouvait ignorer ».

On est bien dans un cas où la faute des professionnel  n’a pas causé directement la mort de la patiente (elle est décédée de son cancer du sein) mais a seulement eu pour conséquence de « créer une situation qui a permis la réalisation du dommage » selon l’article précité du code pénal.

Pour que la responsabilité du médecin soit retenue il faut qu’il ait commis non une faute simple mais une faute caractérisée c'est-à-dire d’une gravité particulière.  Cette faute a été retenue en appel et la Cour de cassation approuve les juges du fonds.

Le MG a commis deux fautes ; ne pas avoir demandé de nouveaux examens et de ne pas avoir tenu compte de  la présence de micro calcifications,  contre indication au traitement substitutif. Ces deux fautes ont un lien de causalité certain quoiqu’indirecte avec le décès de la patiente. L’ordre des médecins avaient été saisi et avait conclu que le comportement du MG était la négation même des devoirs d’un médecin.

En ce qui concerne le radiologue, sa faute consiste d’une part à avoir écrit dans son compte rendu qu’il existait des calcifications et non des micro calcifications dont la taille et la disposition avaient un aspect suspect si ce n’est déjà malin et d’autre part de ne pas s’être assuré que les caractéristiques de ces lésions avaient été bien perçues par son confère. Le radiologue a donc concouru au retard diagnostic par une faute caractérisée qui a concouru indirectement mais de façon certaine au décès de la patiente. Sa condamnation pour homicide involontaire est donc confirmée. 

Quels enseignements tirés de cet arrêt de la cour de cassation ?

Un retard de diagnostic peut avoir pour conséquence une condamnation des médecins impliqués  pour blessures involontaires ou pour homicide involontaire.

La condamnation est prononcée en cas de faute d’une particulière gravité.

D’autres éléments sont à souligner. 

En ce qui concerne les radiologues ; la rédaction du compte rendu doit être précise et sans équivoque. La radio doit être de qualité parfaite.  Tout signe suspect doit être noté et des contrôles doivent être réalisés en cas de doute à cours terme. Le radiologue n’est pas quitte de ses obligations en rédigeant correctement son CR, il doit vérifier en cas de doute que sa signification est perçue par le médecin prescripteur.

En ce qui concerne le MG ; il ne peut se contenter de lire un CR, mais doit pouvoir comprendre la radio. Il a une obligation de fournir des informations précises à sa patiente et doit lui remettre si elle le demande le CR ; il doit signaler l’existence d’un doute et doit mentionner les prescriptions du radiologue. S’il souhaite instaurer un traitement substitutif il doit être d’une prudence renforcée.

Article de R. Mislawski, docteur en médecine, docteur en droit - Mise à jour : 6/12/10

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