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Accès au dossier médical : les droits du patient et de ses proches (juin 2012)

Cette rubrique est assurée par R. Mislawski, docteur en médecine, docteur en droit.

L’accès au dossier  médical d’un  patient est strictement encadré depuis la loi du 4 mars 2002.
Les personnes autorisées  à avoir accès au dossier sont différentes lorsque le patient est en vie ou décédé. Lorsqu’il est en vie, les règles tiennent compte du fait qu’il est apte à exprimer sa volonté ou qu’il est en incapacité de fait ou de droit.

1)    Du vivant du patient

A)    Le patient est  apte à exprimer sa volonté
Aucune personne autre que le patient ne peut avoir accès au  dossier (art. L. 111-7) sauf une personne munie d’un  mandat spécial. Cette  solution non prévue par la loi  du 4 mars a été  admise par le Conseil d’Etat. Ce dernier  considère que le patient peut par un mandat spécial désigner  une personne afin qu’elle accède à son dossier dans la mesure où le législateur ne semble pas avoir exclu cette possibilité (CE, 26 septembre 2005, CNOM).
La personne de confiance n’est pas un mandataire spécial :  ; elle n’a pas accès au dossier. Elle peut le devenir si un tel pouvoir lui est conféré spécifiquement par un mandat autre que l’écrit qui la désigne comme personne de confiance.

B)  Le patient en incapacité de droit

-a) Majeur en incapacité

Il faut distinguer le cas du majeur sous  tutelle des deux autres situations de protection que sont la sauvegarde de justice  et la curatelle.  Dans ces deux derniers cas, le code de la santé publique ne prévoit pas de dispositions spécifiques. Ce sont donc les règles du code civil qui s’appliquent. Par conséquent le curateur n’a pas la  possibilité d’accéder  au dossier. Le majeur a seul accès à son dossier.

Dans le cadre de la tutelle se sont les dispositions du CSP qui s’appliquent ; le tuteur a donc accès au dossier et le patient n’a pas la possibilité de s’y opposer ni de désigner un tiers.
En cas de conflit d’intérêt ou pour des raisons diverses, le majeur  sous tutelle peut saisir le juge pour demander la nomination d’un tuteur ad hoc.

b) Mineur

La  personne exerçant l’autorité parentale a  accès au dossier (en général le père et la mère, mais ce n’est pas toujours le cas ; si un enfant n’a de filiation établie qu’à l’égard de sa mère, elle seule aura l’autorité parentale donc le droit d’accès au dossier)
Le mineur n’a pas accès lui-même à son dossier.
Il n’est pas nécessaire que les deux parents se mettent d’accord. Chacun peut accéder au dossier. Les dissensions entre parents sont sans incidence sur leurs droits.
Toutefois, ce droit peut connaître des restrictions à la demande du mineur lui-même :
- interdiction d’accès au dossier si l’hospitalisation a été faite sans le consentement des titulaires en application de l’article L. 1111-5 CSP.
- obligation de recourir à un médecin désigné par le mineur ; c'est-à-dire retour à l’accès indirect qui était la seule voie possible avant la loi du 4 mars 2002.

B) Le patient en incapacité de fait

Aucun texte ne prévoit la possibilité  dans ce cas pour un tiers d’avoir accès au dossier du patient ce qui peut être problématique (art. L.111-7, L. 1110-2)  Toutefois, par une interprétation pragmatique de l’article L. 1110-4,  la CADA a proposé un fondement raisonnable à une dérogation à cette situation de droit (avis n° 20091755, du 18 juin 2009, directeur du centre hospitalier d’Albertville). L’avant dernier alinéa de l’article L. 1110-4 dispose que « En cas de diagnostic ou de pronostic grave, le secret médical ne s’oppose pas à ce que la famille, les proches de la personne malade ou la personne de confiance définie à l’article L. 1111-6 reçoivent les informations nécessaires destinées à leur permettre d’apporter un soutien direct à celle-ci, sauf opposition de sa part ». En l’espèce il s’agissait d’une personne dans le coma avec un pronostic assez réservé. La famille avait besoin d’un certificat pour obtenir une prise en charge du patient. La CADA autorise les médecins à donner à la famille un tel document ; il s’agit pour la famille dans une situation de gravité d’agir afin d’aider directement le patient. Il est précisé que les éléments du dossier qui peuvent être communiqués sont limités à ceux qui servent l’objectif visé.

2)    Le patient est  décédé

L’accès au dossier est possible ;

- en l’absence d’opposition expresse de la  part de la personne décédée.  Le refus peut être total ou concerné certaines personnes seulement ce qui peut être source de complexité. Que faire lorsqu’un patient a interdit l’accès de son dossier à sa fille et que celle-ci fait la demande en représentation de sa fille mineure, ce qui lui permettrait de contourner l’interdiction ? La CADA propose alors la nomination d’un mandataire ad hoc qui agira au nom de l’enfant sans communiquer les pièces à la mère.

- seulement pour trois raisons limitativement énumérées par la loi ;

                                               i.    Connaître les causes du décès

                                             ii.     Défendre la mémoire du défunt

                                            iii.     Faire valoir ses droits

Le demandeur doit mentionner le motif de sa demande. Les pièces consultables sont uniquement  utiles à la réalisation du motif invoqué par le patient, mais cette utilité est appréciée par  le seul  médecin.

- Seuls les ayants droit du patient décédés ont accès au dossierUn décret de 2007 complétant la loi du 4 mars 2002  dispose que sont des ayants droit au sens de la loi du 4  mars uniquement les personnes ayant  la qualité d’héritier  par référence au   code civil.
La CADA a proposé une analyse précise de la façon dont les  héritiers peuvent avoir accès au dossier du patient décédé (avis du 22/3/2012).
Le code civil distingue les héritiers légaux (article 731 et s.) c'est-à-dire ceux qui héritent en l’absence de testament et les héritiers institués (article 1002 et s.) qui disposent d’une partie du patrimoine de la personne décédée ou d’un bien par voie testamentaire. Pour la CADA les héritiers légaux et les légataires universels ou à titre universel sont des ayants droit au sens de la loi du 4 mars 2002. Les personnes qui sont légataires d’un bien n’ont pas cette qualité.

En l’absence de conjoint successible (célibataire, veuf, divorcé), sont appelés à succéder dans cet ordre;

-       les enfants et leurs descendants

-       le père et la  mère ; les frères et sœurs du défunt

-       les ascendants autres que le père et la mère

-       Les collatéraux (cousins) et leurs descendants

Lorsqu’un ordre d’héritiers accepte la succession il élimine les autres ordres.

Lorsqu’il existe un conjoint survivant, il vient à la succession soit seul soit en concours avec d’autres héritiers ;

-       les descendants

-       les parents du défunt en l’absence de descendants

Les parents qui ne recueillent pas la succession ne peuvent avoir accès au dossier. Ainsi le conjoint survivant  non divorcé en l’absence d’enfant  et de parents a seul accès au dossier. S’il existe des enfants, le conjoint et les enfants peuvent avoir accès au dossier. Les autres membres de la famille n’ont pas cette possibilité.
En cas de testament, les règles se combinent ; les héritiers légaux et les légataires peuvent avoir accès au dossier.
Par conséquent, les concubins, les partenaires de Pacs, le conjoint divorcé n’y ont pas accès, sauf s’ils sont désignés comme légataires La personne de confiance n’est pas un ayant droit.
Le tuteur comme le mandataire spécial voient leurs prérogatives s’éteindre à la mort de la personne malade mais elles peuvent les récupérer si elles sont aussi des ayants droit.

 

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Article de R. Mislawski, docteur en médecine, docteur en droit - Mise à jour : 21/03/14

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